(( LA BOUCHE EN CŒUR ))

(i) la relation entre tami et ses parents a toujours été spéciale. elle leur porte un certain amour et leur est -presque- totalement loyale, mais ils n'ont jamais été proches. pas comme ils le sont avec ses frères en tout cas. son père est trop dur, lui en a toujours trop demandé. elle est sa seule fille et son comportement devait être irréprochable. avec sa mère, c'est loin d'être mieux. elle préfère les garçons, elle le sait tami. il n'y a jamais vraiment eu d'amour. elles se respectent mutellement, bien que sa mère ait toujours des reproches à lui faire, que ce soit sur son travail ou ses fréquentations, mais ça va difficilement plus loin. elles ne sont pas proches et ne le seront jamais, et parfois c'est dur pour tami de se l'avouer. (ii) comme son oncle, tami a développé une passion pour l'art, le dessin et la peinture plus particulièrement. peu de personnes savent qu'elle peut passer des heures à dessiner ou à peindre, et encore moins ont déjà vu ses œuvres. c'est trop personnel pour qu'elle ose les montrer, ce qu'elle fait, c'est une partie d'elle. et ses parents trouveraient certainement ça ridicule, dans tous les cas. (iii) tami ne se sépare jamais de deux choses ; son paquet de clopes et le bracelet en argent que son père lui a offert pour ses douze ans. elle en a des dizaines de bracelets, mais celui-ci est spécial. en souvenir de l'époque où tout allait encore bien. discret rappel qu'il l'aime, quand même. et puis ses cigarettes. ses foutues clopes. son père se bat encore pour qu'elle arrête mais elle tient ça de sa mère, la clope toujours au bec, alors ça va être compliqué, il en est conscient. (iv) étrangement, c'est une passionnée de mécanique. ça peut étonner quand on voit tami, mais quand on grandi entourée de garçons, c'est le genre de chose qui arrive. les voitures, ce sont ses bébés. elle en prend aussi soin que ses élèves. si elle n'avait pas autant voulu devenir instit, elle serait très certainement devenue mécano. réparer des voitures, des motos, ça l'apaise. malgré tout, tami conduit comme un pied. ou plutôt, elle ne fait attention à rien et va bien trop vite pour que les gens qui sont avec elle dans la voiture soient rassurés. (vrac) c'est une fille de la nuit. si elle le pouvait, elle passerait ses journées à dormir et ses nuits à se balader dans les rues de la ville, ou admirer la vue sur le toit de son immeuble. ; la confiance, c'est un truc assez compliqué à gagner chez tami. elle tuerait pour les gens qu'elle aime, mais pour qu'elle vous fasse confiance c'est toute une histoire. comment faire confiance à quelqu'un quand on a aucune confiance en soi ? ; elle est clairement accro au café, depuis toujours. déjà gamine, elle en buvait le matin, dans la tasse de maman. elle n'aimait pas trop ça, essayait de le stopper mais elle a vite compris que ce n'était pas possible. et puis, tami a besoin de sa dose de caféine pour bien commencer la journée. rien ne va plus sinon. ; elle rêve d'une grande famille. elle rêve d'enfants, d'un labrador et d'une maison au fin fond de la campagne. elle demande pas grand chose tami, juste un peu d'amour et de stabilité.

elle n'avait rien fêté.
sa nuit, elle l'avait passée éveillée, à détruire son paquet de clopes et la dernière bouteille de vin rouge qu'elle avait récupéré chez ses parents. le regard vide, les yeux qui vagabondent sur les gens qui passent devant chez elle. saoulent, heureux. des éclats de joie dans tous les sens.
elle n'en avait aucune envie, elle, de fêter son diplôme.
elle n'en avait aucune envie, elle, de finir comme son père.
elle n'en voulait pas, elle, de cette vie là.
c'était dans un coin de son cerveau depuis bien trop longtemps, un truc qu'elle avait enfoui et qu'elle essayait d'oublier. comme bien trop de choses. un truc qui la bouffait de l'intérieur, parce que l'avenir qui se dessinait lentement devant elle ne lui plaisait pas. qu'elle n'en voulait pas.
et ça la rongeait, ça la rongeait bien trop fort.
elle avait tout essayé pour faire plaisir à papa et maman, toute sa putain de vie. tout ce qu'elle avait fait jusqu'à présent, c'était pour les satisfaire. pour qu'ils soient fiers d'elle. qu'ils lui montrent un peu d'affection.
c'est tout ce qui comptait, leur affection. c'est tout ce qu'elle demandait.

et ça ne pouvait plus durer.
elle l'avait compris il y a bien longtemps que son père ne la regarderait plus jamais comme il la regardait quand elle était plus jeune. qu'il n'y aurait plus jamais cette douceur dans ses yeux.
elle l'avait compris qu'elle n'aurait jamais de relation avec sa mère. qu'elles se diraient bonjour, qu'elles s'offriraient un joli bijou à noël mais que ça n'irait jamais plus loin.
que, mis à part ulysse, ses frères ne comprendraient jamais ses choix et qu'ils seront toujours plus loyale aux parents qu'à elle.
qu'elle n'était plus la petite soeur adorée mais une déception pour toute la famille.

et tant pis.
tant pis pour eux.
parce qu'elle allait commencer à vivre pour elle et qu'ils ne pourront rien n'y faire.